Flûte de Pan et rituel
Cet ensemble de flûtes à embouchure terminale en bambou est dénommé ding tut en langue êdê. Ding désigne les instruments soufflés et tut est une formule onomatopéique imitant le geste bucco-lingual relatif au jeu de cette flûte. Autrefois, on les fabriquait dans les champs avec des tiges de courges ou de riz si l’on n’avait pas de bambou. Aujourd’hui, les villageoises utilisent parfois des bouteilles plus ou moins remplies d’eau.
Comme les tuyaux sont coupés perpendiculairement, sans artifice permettant de faciliter l’émission du son, les femmes placent le pouce et l’index de chaque côté de l’embouchure afin de mieux guider la lame d’air sur le biseau et ainsi augmenter la puissance sonore. Pour jouer, elles se placent en cercle face vers l’intérieur.
Traditionnellement, ces flûtes sont jouées lors des funérailles (dans la maison autour du corps du défunt et sur le lieu de l’enterrement), lors des cérémonies d’abandon de la tombe, ainsi que dans les champs au début de la saison des pluies. Il est interdit de le jouer dans la maison en dehors des circonstances de funérailles et éventuellement de certaines grandes occasions.
Les pièces musicales se réfèrent aux sons de la nature, à l’activité et à l’environnement humain, à l’extériorisation des sentiments.
Lors d’une discussion récente avec Patrick concernant cet usage, pour nous musical, mais rituel pour le peuple êdê, il a mentionné le fait que ce rituel, quand il est pratiqué par les hommes, utilise des gongs, mais qu’il y a un tabou qui interdit l’usage des gongs par les femmes…
Les femmes (à l’exclusion de tous hommes), utilisent donc cette « flûte de Pan collective », ou à défaut la voix, pour ce rituel. Cependant, la musique réalisée par les femmes est strictement comparable à celle réalisée à l’aide de gongs par les hommes.
Cette pratique collective est infiniment antérieure à celle du jeu simple de la flûte de Pan par une seule personne. À ce sujet vous pourriez lire La symbolique originelle de la flûte de Pan où la question des pratiques archaïques est abordée.
Ce tournage vidéo, réalisé dans des conditions de reconstitution, est extrait d’un coffret DVD : Instruments & musiques de la préhistoire, réalisé par Patrick Kersalé et Tinaig Clodoré-Tissot, édité par les Éditions Musicales Lugdivine (Lyon).
Ce coffret de 2 DVD met souvent en parallèle ce que l’on sait des pratiques ancestrales et les pratiques contemporaines, et s’appuie sur des reconstitutions d’instruments qui rendent les exposés particulièrement parlant et vivant.