Cette flûte de Pan est encore connue dans des villages de deux régions de Russie occidentale, à proximité de Kursk et Briansk [1]
Différemment nommées selon les villages où on les trouvent : kugikly, dudki, kuvikly, vikushki… ces flûtes présentent différents traits remarquables, reflets incontestables d’une pratique archaïque pourtant parvenue jusqu’à nous.
Ainsi les tuyaux de roseaux [2] ne sont pas liés entre eux mais simplement tenus entre les deux mains. Autre archaïsme, la gamme est défective [3].
Le jeu est collectif et les ensembles, composés uniquement de femmes, sont formés d’au moins trois interprètes, mais ils pouvaient en compter jusqu’à sept par le passé [4].
Le jeu individuel peut être aussi rencontré mais il est considéré comme une pratique d’apprentissage ou récréative.
La vidéo ci-contre fait entendre d’autres sons que ceux de la flûte de Pan !
Et maintenant qu’on y prête attention, on entendra aussi ces sons dans les autres enregistrements.
La mauvaise qualité de l’enregistrement invite d’abord à penser que ce sont des artefacts, mais il n’en est rien ! En effet, je jeu traditionnel de ces flûtes fait entendre des sons « voisés » en contrepoint des sons « flûtés » !
Une des explications que j’avais entendu il y a pas mal d’années à ce sujet était que l’usage de la voix permettait de faire entendre les degrés manquant dans l’échelle musicale. Toutefois, cela ne semble pas corroboré par l’étude d’Olga Velitchkina…
Les joueuses de flûtes de Pan soulignent volontiers l’étroite relation qui unit cette pratique musicale et la danse ainsi que l’absolue nécessité pour la ou les danseuses d’être bien en rythme.
Il est même précisé qu’une danse incorrecte « détruit l’ordre » !
Ce qui invite à penser que cette pratique, sous son apparente bonhommie, pourrait être une lointaine prolongation de rituels propres à lutter contre le désordre, puisqu’en effet, les danses [5] peuvent être considérées comme les premières pratiques collectives « socialisantes ».
Leur vocation première était justement de maintenir un certain ordre et de renforcer la cohésion du groupe.
Par cette caractéristique, cette pratique musicale nous renvoie au temps-même de la naissance de l’humanité ! [6]
Je ne sais pas ce que vous en penserez… Mais moi, ces baboushka qui ont su entretenir pendant quelques millénaires d’aussi belles pratiques m’émeuvent particulièrement ! Je suis sous le charme !
Les flûtes de Pan de Russie ont été particulièrement étudiées par Olga Velitchkina, ethnomusicologue d’origine Russe, et aujourd’hui enseignante à l’Ohio State University (USA).
Cet article est une adaptation libre de son étude de cet instrument, laquelle peut être consultée dans son intégralité (en anglais) sur le site universitaire.
Ce jeu musical traditionnel disparait aujourd’hui… Cette étude est donc particulièrement précieuse !