On nomme tempérament, la façon particulière d’organiser une gamme, en égalisant les valeurs entre les degrés. C’est en somme une recherche d’équilibre d’un degré quelconque avec tous les autres. L’étagement des degrés demeure irrégulier, mais tend alors à la régularité.
Le tempérament est un art du compromis par excellence. Par exemple, on peut créer un tempérament qui permettra de moduler aisément dans tous les tons, mais ce tempérament se fera au détriment de la justesse, de la pureté de certains intervalles. On va aussi voir des tempéraments qui permettront de moduler dans peu de tons mais qui préserveront une meilleure justesse des intervalles pour ces tonalités données…
Cependant, aucun tempérament n’est parfait et idéal en toute situation. Aussi, de nombreux tempéraments ont été inventés en différentes époques et différents lieux et ont largement influencés les pratiques musicales.
Le mésotonique
A partir du XVIe siècle, le choix de la gamme se pose, et les systèmes anciens (Pythagore, Aristoxène) s’effacent, au moins pour la polyphonie, car il sont inadéquats pour résoudre la triple équation :
- conduire une polyphonie,
- moduler – transposer,
- que cela soit jouable sur un clavier.
En effet, avec l’arrivée du clavier se posent des difficultés supplémentaires qui trouveront une solution provisoire, et pas totalement satisfaisante, avec le tempérament moyen aux huit tierces égales, aussi nommé Mésotonique, découlant du système d’Aristoxène (via Zarlino).
Refaisons ensemble ce chemin historique…
La tierce do-mi depuis Pythagore
Zarlino a bien posé le problème de la tierce mais la solution qu’il propose n’est pas satisfaisante. Nous avons vu précédemment que la gamme de Pythagore nous donne pour valeur de cette tierce (3/2)4, soit 81/64 (réduit dans l’octave), alors que la tierce naturelle de la gamme d’Aristoxène (ou de Zarlino) est 5/4. La différence obtenue est 81/80 qui n’est autre que le comma syntonique - environ 21,5 Cents, soit environ un dixième de ton, une valeur tout à fait perceptible à l’oreille.
Le problème qui se pose est qu’il faudrait deux mi différents !
S’il est la tierce de do, dans ce cas le mi adapté sera le 5/4, alors que la quinte du la devrait être le mi 81/64.
Il faut donc faire un choix… et on choisira la tierce juste 5/4, comme Zarlino. Cependant le seul moyen pour l’obtenir sans se retrouver avec deux sortes de tons (9/8 et 10/9) sera de fausser légèrement les quintes.
Puisque 4 quintes justes successives produisent un mi trop haut d’un Comma syntonique, on diminue toutes les quintes d’un quart de Comma syntonique, sauf une qui sera très fausse, beaucoup trop grande (entre sol# et ré#, ou plutôt mib) puisqu’elle compensera l’excédent.
Voilà une autre quinte du loup, trop grande cette fois !
Ce sont maintenant des valeurs irrationnelles qui sont utilisées. Parmi les avantages et non des moindres, on pourra observer qu’une des conséquences de ce tour de passe-passe est que la seconde qui en découle se trouve maintenant à mi-chemin entre les secondes 9/8 et 10/9. Il n’y a plus qu’une seule sorte de ton.
Maintenant la gamme de do ou de ré débute toujours par un ton de même valeur. Alors qu’avec le système d’Aristoxène (Zarlino), en partant de do on avait un ton 9/8 et en partant de ré, un ton 10/9.
Pourtant les musiciens ne sont pas au bout de leurs difficultés car 3 tierces naturelles ne produisent pas une octave [1]. Et par voie de conséquence, les degrés enharmoniques (les touches noires du piano pour la musique de cette époque) restent tout à fait problématiques. Ici les calculs deviennent parfaitement complexes, et nous ne nous y hasarderons pas. (libre à vous cependant…).
A ce stade quelques facteurs d’instruments imagineront des claviers qui tiennent compte de cette réalité, en doublant les touches noires, ce seront les doubles feintes, une pour la note diésée, une autre pour la note bémolisée, mais la multiplication des touches ne facilite pas le jeu…De plus certaines tonalités sont à nouveau inutilisables.
Finalement, la solution retenue fut de faire un choix et de privilégier certaines tonalités. On préféra les notes do# à réb, mib à ré#, fa# à solb, sol# à lab et sib à la#.
Ce tempérament, le Mésotonique va rester en usage pendant une assez longue période avant d’évoluer à nouveau, car il n’est pas totalement satisfaisant, certaines tonalités restant injouables…
Le Mésotonique est caractéristique de la période renaissante.