Conseils aux autodidactes

Préparation mentale et physique

Avant de travailler la flûte…

Se mettre dans le bon mode pour travailler et profiter de nos efforts.

Pour parler des pratiques orientales de méditations, les occidentaux recourent souvent à une notion assez abstraite : « faire le vide ». Mais on est loin de la réalité avec cette « traduction » ! Mon ami et génial musicien suisse [1] avait une façon de dire bien plus directe, compréhensible et appropriée : « poser ses valises » !

Et bien pour nous préparer à travailler avec le meilleur rendement possible, nous allons d’abord poser nos valises, nous débarrasser de tout ce poids mort qui nous englue.

Ça n’apporte rien de traîner comme un boulet le regret sincère à propos de la scène de ménage d’hier soir ; de même les oreillons de la petite dernière ne se soigneront pas mieux s’ils viennent parasiter notre pratique. Alors, il est bien plus malin de se débarrasser de tout ça avant de commencer.

Bon plan ! !

Savoir perdre d’abord quelques minutes pour gagner des heures ensuite !

Divers petits exercices permettent d’obtenir ce résultat, mais tous ou presque demandent un effort pour s’y mettre…
On a du mal à se faire du bien ! On est bizarre parfois (et même souvent…). Alors qu’on a déjà pu en ressentir le bénéfice, il faut pourtant faire un effort pour ne pas sauter cette petite phase utile. Soit qu’on veut se mettre au travail tout de suite (pas de temps à perdre !), soit qu’on oublie, soit…

À chacun sa bonne raison, mais puisque cela peut être un peu difficile à reproduire avec constance, on a tout intérêt à en faire un petit rituel personnel.
On ne réfléchit pas, on le fait ! Parce qu’il faut ancrer cette phase dans le quotidien [2].

Travail sur la respiration

Dans une position confortable [3], mais dynamique, on va progressivement amplifier (un peu) et ralentir (un peu) la respiration et rechercher dans le même temps à détendre le corps. On procède par étape en commençant par les pieds, les mollets, etc. Puis on installe une respiration abdominale, le ventre va et vient souplement et les épaules, comme le haut de la cage thoracique, ne sont presque plus mobiles. Attention, on ne contrôle pas le ventre, pas plus qu’on ne bloque les épaules, cela produirait juste le contraire de ce que l’on recherche ! Non, on laisse aller. Allez, tiens, on baille une bonne fois ! Les messieurs cessent de bomber le torse, et les dames de cambrer les reins ; on est pas à la parade… On veille tout particulièrement à détendre toute la zone de la gorge et on entr’ouvre un peu la bouche en laissant tomber la mâchoire.
Tiens ! La tête devient plus légère !

Ah zut ! Voilà qu’on pense maintenant à toute autre chose !
Là, on ne lutte pas, on ne résiste pas… On se contente de laisser passer les pensées parasites ; on ne les retient pas, c’est tout…

On se re-centre sur la respiration.

On l’écoute… et on sent l’air froid qui pénètre dans les poumons. On peut même faire un peu sonner le souffle. Sans voiser [4], on va émettre le son « han » sur le souffle, à l’inspir comme à l’expir. On joue un peu avec ça en explorant d’autres sons et on apprécie de « sentir » sa gorge comme jamais auparavant, puis on revient sagement au son « han » qui ouvre si bien la gorge. Enfin, on retourne au silence et on oublie toutes les consignes pour retrouver un état « normal », tranquillement, sans plus aucun contrôle ni attention particulière. C’est fini !

Avoir une respiration abdominale naturelle est indispensable pour jouer de la flûte de Pan !

Notre instrument nécessite beaucoup d’air avec pas mal de pression pour sonner et il faut exercer un contrôle précis du débit de l’air. Avec une respiration haute (costo-claviculaire), ce contrôle est impossible ; seuls les muscles de la sangle abdominale permettent de l’exercer. Pire, avec une respiration haute on peut même se faire mal !

Et alors qu’on croit avoir fait un vague exercice de relaxation, on vient de toucher à maints points qui seront essentiels pour la pratique instrumentale :

  • la détente mentale et corporelle, pour être en état de disponibilité à soi-même et aux autres, pour favoriser l’exercice de la concentration ;
  • l’ouverture de la gorge pour faciliter le flux de la respiration ;
  • une meilleure posturation (supprimer la cambrure, ne pas bomber le torse) sans laquelle aucune respiration très active n’est envisageable ;
  • la capacité à laisser passer les pensées parasites : sans cette petite compétence, gare aux fausses notes si l’image de notre petite amie [5] s’invite… et s’incruste ;
  • la détente de la mâchoire, parce qu’on va la soumettre avec la flûte de Pan à des positions anti-naturelles, assez inconfortables au début, et que cela devra s’acquérir sans tension.

Préparation par le son

Je le redis : rien ne sera possible sans une respiration bien placée !
Pas même cette simple préparation où l’on utilise le son… Car elle n’est qu’un prolongement de la phase préparatoire précédente.

Des anges passent…

Quelques jours ou semaines se sont écoulés depuis qu’on a commencé à faire ces exercices respiratoires. Maintenant, et alors que la respiration abdominale est bien établie sans qu’il soit nécessaire d’y penser, on va pouvoir aller plus loin !

Comme précisé ci-dessus, on recherche d’abord un état de détente, on ajuste la posture corporelle, on ouvre la gorge, la respiration abdominale est fluide…
On va émettre un son (mmmm) sur les expirs, d’abord bouche fermée (et donc par le nez) ; on doit ressentir un petit chatouillis au niveau des lèvres, parce qu’elles sont si libres et détendues qu’elles vibrent légèrement. Puis ce sera un son à peine voisé, sans aucun effort pour l’émettre, ET ON VA L’ÉCOUTER.
Est-il lisse ? Régulier ?
Non ?

Nom de Zeus, se dit Pan… Mais c’est quoi qui coince ?

Là vous attend un gros travail de prise de conscience, de connaissance et de maîtrise de votre corps. Les professionnels parlent à ce sujet de la proprioception, sens méconnu et pourtant essentiel, central !

Bien entendu, depuis quelques temps, vous avez aussi commencé l’apprentissage de la flûte, mais vous commencerez toujours chaque séance de travail par ces exercices respiratoires, puis respiratoires/vocaux.

Bientôt vous pourrez vous préparer uniquement avec votre flûte [6], et en quelques minutes à peine [7] !
Par contre, cette préparation, vous la ferez toute votre vie !

Mais il est fou ? Se demandent alors quelques uns de mes lecteurs…

[1Michel Tirabosco, à écouter absolument !

[2Et bien sûr, pas seulement comme une préparation à la pratique musicale.

[3Dans un premier temps, si l’exercice est trop difficile, on commencera par la position couché sur le dos qui ré-enclenche assez naturellement une respiration abdominale. On peut aussi s’aider, pour faciliter à la prise de conscience, en posant une main sur le ventre et l’autre sur la poitrine…

[4Sans faire jouer les résonateurs buccaux et autres.

[5Ou de notre belle-mère…

[6Sur un mode assez comparable à l’exercice respiratoire/vocal.

[7Mais quand on commence à devenir performant, la préparation des lèvres est souvent plus longue que ça…

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