Une petite histoire de l’écriture musicale
La première trace découverte d’une écriture musicale ancienne faisait des grecs les premiers à utiliser un tel système. Un ouvrage [1] du IVe siècle avant notre ère mentionne d’ailleurs cette pratique mais pour en remarquer les insuffisances… Plus tard, la pratique a évoluée et le système était performant au IIIe siècle avant J.C. Il reste une cinquantaine de fragments de telles partitions.
Le moyen retenu pour la transcription de la musique était alors l’alphabet [2]. Les lettres représentaient les notes…
Puis en 1915 on découvre une tablette babylonienne du IXe siècle avant J.C. présentant deux textes l’un en regard de l’autre. Il est très vraisemblable que celui de gauche, écrit en signes cunéiformes reprenant un alphabet araméen primitif, servait à désigner les cordes d’une harpe à 22 cordes en usage dans ce temps.
Par ailleurs, depuis les années 70, une tablette en argile d’Ugarit (Syrie) est étudiée et semble bien être aujourd’hui la plus ancienne partition connue puisqu’elle date d’environ 1400 ans avant J.C. Les recherche semblent montrer l’usage d’une échelle diatonique connue dans cette aire depuis 1900 ans avant J.C.
Les japonais eux aussi avaient inventé un système de notation très pratique basé sur des chiffres indiquant les divisions de cordes du koto, et ce bien avant les grecs.
En Occident, le savoir des grecs anciens finit par se perdre… Au début du moyen-âge, il n’y a plus aucune notation musicale… Du moins, c’est ce que l’on a longtemps cru…
Parce que maintenant on ne doute plus qu’un système de notation datant de Mani (mort en 275) eut des prolongements chez les albigeois jusqu’au XIIIe siècle.
Neumes et notation ekphonétique
Au IXesiècle, on voit apparaître deux systèmes de notation, l’un en Occident, les neumes, et un autre dit "ekphonétique" à Byzance [3].
Ces deux systèmes ont en commun d’être des écritures pratiques, à l’usage des musiciens et des chanteurs [4], contrairement au système grec qui était peut-être plus voué à la théorie, le système d’écriture alphabétique paraissant plutôt difficile à interpréter…
Sur le document paléo-byzantin, on voit un tracé cursif au dessus du texte, lequel « dessine » la ligne musicale. On est incontestablement devant une partition qui a pour vocation à servir d’aide-mémoire !
En Occident, le système neumatique se développe et sera à l’origine de notre écriture musicale, tandis que le système byzantin perdurera jusqu’à nos jours sans beaucoup évoluer ; il est d’ailleurs encore utilisé par des chœurs polyphoniques chrétiens d’Istamboul !
Quant au système neumatique, il ne va pas seulement servir à sa première fonction d’aide-mémoire. En devenant plus performant, il va aussi permettre la transmission. Et l’on voit poindre là une évolution essentielle des pratiques musicales. Désormais, on peut distinguer un compositeur et un interprète, ce qui n’était pas le cas avant. Il faudra encore quelques siècles pour qu’un compositeur signe sa production mais l’élan est donné et les compositeurs prendront progressivement de plus en plus d’importance, diminuant d’autant le rôle de l’interprète…
La renaissance
Le jeu musical évolue beaucoup, et notamment la polyphonie fait son apparition. L’écriture n’est plus neumatique et ressemble déjà beaucoup à celle que nous connaissons [5]. Les voix sont généralement écrites en parties séparées, ce qui montre bien le côté pratique du recours à une partition.
Mais on trouve encore un grand soin dans la réalisation de ces partitions, souvent de véritables œuvres d’art comme au temps de l’écriture neumatique.
Temps baroque et classique
Au temps du baroque, le chef d’orchestre n’existe pas encore… Et si c’est le compositeur qui dirige, il se contente le plus souvent de battre fermement la mesure… Les partitions comportaient des ornements mais les musiciens avait encore une large latitude pour interpréter une partition où tout n’était pas précisé [6]. Les indications de tempi étaient toutes relatives, bien éloignées d’une rigueur métronomique et l’exécution de certaines parties, comme celle de la basse continue, étaient laissées au bon goût du musicien.
Puis à l’époque classique, l’écriture musicale atteint une grande précision et les musiciens se trouvent alors dans une simple position d’exécutants, nécessairement « respectueux » de l’œuvre, et aux ordres du chef d’orchestre. Le seul espace de liberté qui sera alors offert le sera à un seul instrumentiste, virtuose, qui pourra briller le temps d’une cadence finale improvisée.
Temps contemporains
Aujourd’hui, les partitions d’œuvres contemporaines ne sont plus « normalisées », et chaque compositeur choisira le moyen qui lui semble le plus à même de permettre aux interprètes de la restituer fidèlement tout en leur rendant une part plus grande de liberté. En témoigne cette partition de Logothétis.
De plus, l’improvisation, certes encadrée par des indication et des consignes diverses, ré-apparaît pour le plus grand plaisir des interprètes !
On trouve aussi d’autres systèmes de notation… Certains instrumentistes, comme les guitaristes [7] utilisent couramment des tablatures.
Le jazz, lui, utilise souvent des « grilles » où l’on peut suivre le développement du parcours harmonique, les reprises, etc. Ce système laisse une grande latitude au musicien qui l’interprète.
Mais bien sûr, la notation « traditionnelle » est encore de mise et reste très utilisée. C’est toujours le moyen privilégié par les musiciens pour échanger !
Lisez aussi l’introduction de Jacques Chailley (cliquez ci-contre) à son livre sur le signe musical [8], ouvrage grandement mis à contribution pour la rédaction de cet article.
En quelques lignes il nous rappelle que l’interprète idéal n’est pas un robot !
A lire et méditer !