Présentes dans le monde entier !

Les gammes pentatoniques

La genèse d’une gamme archétypale…

Nul ne saurait préciser quand ces gammes se sont élaborées, mais on peut par contre comprendre leur genèse !

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Pour commencer, il faut savoir que nos gammes sont le fruit d’une lente élaboration.

Un peu d’histoire

Les paleo-musicologues imaginent qu’à l’origine des pratiques musicales, le jeu musical, et vocal, pouvait être « en ruban », sans hauteurs fixes, donc sans gamme formant une échelle.
Pour imaginer cela, il suffit de comparer une échelle (une gamme) et un toboggan (le jeu en ruban)…

De telles gammes existent cependant depuis des milliers d’années et, fait remarquable, parmi les plus anciennes on trouve ces gammes pentatoniques partout dans le monde et toutes construites sur le même modèle, ce qui nous assure qu’elles ont été élaborées de la même façon.

Universalité de la gamme pentatonique

Cette série de 5 sons, formant une gamme pentatonique, présente sans doute quelques particularités intéressantes puisque son usage se retrouve partout dans le monde à différentes époques…
En extrême-orient, en Chine tout particulièrement, elle est si communément employée que lorsqu’on entend une musique à base pentatonique, on pense toujours d’abord que cela vient de ces contrées…
On la trouve aussi encore aujourd’hui dans toute l’Afrique, parfois sous des formes qui ont pu évoluer.
Mais elle est aussi encore très utilisée de nos jours en Occident, par exemple la musique celtique en fait un grand usage, mais là, son caractère pentatonique est souvent masqué, ou a évolué quand on a commencé à harmoniser nos musiques. « Un oranger sur le sol irlandais » est le parfait exemple d’un pentatonique (pour sa première partie) qui ne se dévoile que par l’analyse…
Enfin, parmi nos comptines et chansons anciennes, il s’en trouve un très grand nombre qui, soit sont pentatoniques, soit présentent des formes dégradées de pentatoniques.

Un peu d’acoustique

Il a fallu un grand sens de l’observation à nos lointains aïeux pour déceler dans la matière sonore brute quelques indices qui ont permis cette création quasi ex-nihilo ; parmi eux se trouvent le phénomène de la consonance et la nature harmonique des sons.

Ce que nous percevons comme un son unique est en fait un assemblage de sons plus ou moins harmoniquement disposés ; l’ensemble de ces sons sont les partiels. Les partiels déterminent le timbre [1].

Un son musical, ou vocal, comprend donc de multiples sons que nous percevons comme un son unique, et ces sons entretiennent entre eux une relation de consonance ou de dissonance.
Pratiquement, plus ils sont proches de la base du son, le partiel le plus grave que l’on appelle le premier harmonique si la série est harmonique et plus ils sont consonants entre eux (une fois encore, si la série est harmonique). Ainsi entre le premier et le deuxième harmonique, il y a une très grande consonance. Ces deux sons sont tellement proches, physiquement, qu’ils se mêlent sans qu’on y prenne garde. L’intervalle entre ces deux premiers harmoniques est tout simplement l’octave. C’est la plus grande consonance possible.
Si l’observation s’était arrêtée là, on n’aurait pas pu en tirer une échelle musicale, où alors il faudrait imaginer qu’on puisse se satisfaire d’une musique qui ne compterait que des octaves parmi ses intervalles…

Entre le deuxième et le troisième harmonique on trouve l’intervalle de quinte [2], et c’est là que l’aventure commence !

Cette consonance est tout-à-fait démontrable avec nos appareils modernes, nos savoirs en mathématique et en physique. Ainsi nous savons que pour un la valant 440 hertz, le la qui sonne à l’octave aigu vaudra 880 hertz. On a un rapport de 2/1 (880/440).
Pour la quinte on trouve le rapport de 3/2 et effectivement le mi au-dessus de notre la 440 vaut bien 660 hertz. Plus on s’élève dans ces rapports, par exemple 4/3, 5/4, etc, plus on s’éloigne de la consonance.

Mais avant l’avènement des technologies et des sciences, c’est avec l’ouïe comme simple outil que cette consonance a été mise en évidence.

La genèse d’une gamme par empilement de quinte

C’est naturellement à partir de la quinte que toutes les échelles, ou presque, se sont construites, et tout simplement en les empilant !

On va donc progresser de quinte en quinte en choisissant arbitrairement le fa comme base de cet empilement…
On trouve pour les cinq premiers degrés : fa - do - sol - ré - la :

Mais il faut les réorganiser au sein d’une seule octave, ce qui donne : fa - sol - la - do - ré :

Et voilà notre gamme pentatonique !

Les intervalles de la gamme pentatonique

Regardons de plus près les rapports existant entre les degrés de notre gamme pentatonique…

Entre chaque degrés conjoints, on trouve un intervalle d’un ton, comme entre do et ré, fa et sol, sol et la, et un intervalle plus grand, valant un ton et demi entre ré et fa, la et do.
Ces intervalles, sans être aussi consonants que l’intervalle d’octave - la consonance la plus parfaite - ni même de la quinte, sont encore à ce point consonants que c’est une gamme qui permet de faire improviser de tous jeunes enfants sans craindre les fausses notes !
Ça ne sonne jamais faux si on se contente strictement de cette gamme !

Pour entrevoir ce qui a pu déterminer l’usage têtu du pentatonique, il suffit de comprendre ce qui se passe avec l’arrivée des deux derniers degrés complétant le pentatonique pour qu’il devienne diatonique (la gamme à 7 degrés), à savoir dans notre série : le mi et le si [3].

Les intervalles de la gamme diatonique

Avec le mi et le si, un nouvel intervalle valant un demi-ton apparait entre si et do, et entre mi et fa. Le rapport harmonique du demi-ton est 256/243 [4] Si on se souvient que plus les rapports sont simples, plus les intervalles sont consonants [5], on constate qu’on s’éloigne de plus en plus de la consonance avec ces intervalles de plus en plus petits !

En outre, on trouve entre fa et si (ou si et fa…) un autre intervalle encore plus dissonant, celui de quarte augmentée (ou quinte diminuée) [6], le fameux « triton », le « diabolus in musica » de nos clercs médiévaux !

Ces dissonances, ces tensions, nous ont tout simplement invité à faire de la musique autrement !

Une nouvelle dynamique apparait dans la musique avec l’arrivée des dissonances

Auparavant, on privilégiait les consonances pour élaborer nos musiques, car d’une part la facture instrumentale et l’usage de gammes comme celle de Pythagore ne permettait pas l’élaboration d’accords mais seulement l’association de notes deux à deux [7], et d’autre part le clergé associait la consonance à la perfection de la Sainte Trinité…

Maintenant on va jouer avec les dissonances et les consonances. C’est ainsi que toute la musique occidentale a évolué depuis le moyen-âge vers un système que l’on nomme « tonal », et que toutes les musiques qui ont pré-existées ou qui n’obéissent pas à ces règles nouvelles [8] sont nommées « modales ».

Le système tonal, ce jeu de tension et de détente, permet de poser une harmonie (un accompagnement) sur la mélodie [9].

Le système modal antécédent est monodique (ou homophonie) et correspond plus à une musique « horizontale » ; il faut imaginer un discours unique qui se développe et dans lequel l’harmonie (la dimension verticale) est absente, ou seulement embryonnaire (bourdon…).

Soyons précis !

Les musiciens nomment souvent ces gammes des « pentas », alors que son nom complet est "pentatonique anhémitonique" - que l’on peut traduire par gamme à cinq degrés sans demi-tons - ceci alors que d’autres formes de pentas sont envisageables et employées, gammes qui ne comprendraient aussi que 5 degrés dans l’octave, comme : do - ré - mi - fa - sol - (do), mais qui feraient apparaître un intervalle valant un demi-ton (ici entre mi et fa) . Dans ce cas on parle plutôt de gamme défective, une gamme qui en somme a perdu certains de ses degrés. La genèse, on le comprend, est toute autre… Et seul le penta anhémitonique est universellement utilisé de par le monde.

Les gammes pentatoniques

À partir de la série pentatonique trouvée : do - ré - fa - sol - la - (do), on peut prendre n’importe quel degré comme point de départ, comme tonique [10] ;

Ce qui donne 5 gammes possibles :

  • 1. fa - sol - la - do - ré - (fa) ;
  • 2. sol - la - do - ré - fa - (sol) ;
  • 3. la - do - ré - fa - sol - (la) ;
  • 4. do - ré - fa - sol - la - (do) ;
  • 5. ré - fa - sol - la - do - (ré).

On peut bien sûr générer une gamme pentatonique depuis un autre point de départ que le fa que j’ai utilisé au début de cet article ; c’est possible en fait à partir de n’importe quel degré, cependant cela génère toujours la même échelle mais avec d’autres notes.

Les pentas dans le blues

Le blues utilise principalement le pentatonique mineur - représenté ci-dessus par la cinquième gamme : ré - fa - sol - la - do - (ré).

Une tonalité semble avoir rapproché les amateurs de blues ; il permet de faire le bœuf car il est connu de tous, c’est le blues en fa. Ce qui donne, pour la mélodie, comme notes depuis la tonique : fa - lab - sib - do - mib - (fa), et pour l’harmonie, les accords F7, Bb7 et C7.
Mais ceci n’implique pas que tous les blues soient en fa…
D’ailleurs vous trouverez ici un blues en ré, et là, un blues en mi (ce dernier avec un karaoké pour s’exercer)…

Les pentas sur nos flûtes de Pan en do

Bien sûr, toutes les gammes pentatoniques sont jouables si on passe des altérations…

Mais il y a seulement trois échelles pentatoniques directement accessibles sans aucune altération dans une gamme diatonique ; à savoir sur une flûte de Pan en do majeur :

  • fa - sol - la - do - ré - (fa)
  • do - ré - mi - sol - la - (do)
  • sol - la - si - ré - mi - (sol)

Chacune de ces trois échelles génèrent chacune 5 gammes en utilisant les 5 points de départ possibles.
Par exemple, le penta mineur de ré est tiré de la première série. :

  • ré - fa - sol - la - do - (ré)

Et sur une flûte en sol

On trouve :

  • do - ré - mi - sol - la - (do)
  • sol - la - si - ré - mi - (sol)
  • ré - mi - fa# - la - si - (ré)

Remarques

  • Comme souvent, il est difficile de faire de la vulgarisation en musique ! Aussi trouve-t-on pas mal d’imprécisions dans ce petit article…
    Par exemple, les notions de modalité et de tonalités sont plus complexes qu’on ne pourrait le croire en me lisant… et ne se résument certainement pas à un choix de gamme… C’est bien plus le traitement de la musique qui permet de définir cela. Cette simple notion mériterait un article entier…
  • Pour approfondir cette genèse des gammes, ici rapidement évoquée, consultez le dossier "La genèse des gammes".
  • La vignette utilisée comme logo pour cet article montre la fabrication d’une flûte de Pan pentatonique par une de mes élèves…

Cliquez ici pour retourner au dossier sur le blues.

[1Vous découvrez la nature des sons… Alors rejoignez ce dossier, « La nature des sons »

[2L’intervalle que l’on trouve par exemple entre do et sol, ou ré et la…

[3En continuant cet empilement après le la, on aurait trouvé ensuite le mi, puis le si… Et une fois cette série réorganisée, on trouverait nos sept degrés de la gamme diatonique : fa - sol - la - si - do - ré - mi - (fa).

[4Le rapport valant un ton était, lui, 9/8.

[52/1 (l’octave) est plus consonant que 3/2 (la quinte), et 3/2 est lui-même plus consonant que 4/3 (la quarte), etc.

[6Quarte augmentée et quinte diminuée sont complémentaire dans l’octave et valent tous deux 3 tons…

[7Comme dans l’organum…

[8tout est relatif… elles sont nouvelles depuis… quelques siècles…

[9Attention, on parle aussi de système modal pour des musiques, occidentales, récentes et harmonisées, comme certaines formes de jazz !

[10J’utilise le terme de tonique, mal approprié ici puisqu’il réfère tout particulièrement au système tonal, et que le pentatonisme est le plus souvent modal, en tout cas quand il est extra-européen…Mais ce terme est le plus à même d’être compris par le plus grand nombre… Et donc cette note sur laquelle repose la gamme peut aussi, outre tonique, être nommée : finale, polarité ou polaire

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