Chant 18 [1]
À Pan
Muse, célèbre le fils chéri de Mercure, Pan aux pieds de
chèvre, au front armé de deux cornes, aux sons retentissants, et
qui, sous la fraîcheur du bocage, se mêle aux choeurs des
nymphes : celles-ci, franchissant les hautes montagnes, adressent
leurs prières à Pan, dieu champêtre à la chevelure superbe mais
négligée. Il reçut en partage les monts couverts de neiges et les
sentiers rocailleux ; il marche de tous côtés à travers les épaisses
broussailles ; tantôt il gravit les roches escarpées, et de leurs
cimes élancées il se plaît à contempler les troupeaux. Souvent il
s’élance sur les montagnes couronnées de blanches vapeurs ;
souvent, dans les vallons, il poursuit et immole les bêtes sauvages
qui ne peuvent se dérober à ses regards perçants ; d’autres fois,
lorsque la nuit approche, seul, revenant de la chasse, il soupire
sur ses chalumeaux [2] un air mélodieux. L’oiseau qui sous la feuillée
du printemps fleuri, répète d’une voix plaintive sa douce chanson
ne l’emporte point sur cette divinité.
Alors se réunissent avec lui à pas pressés, auprès d’une fontaine profonde, les nymphes des montagnes, à la voix éclatante. Écho fait résonner le sommet des monts ; le dieu se mêle au hasard au choeur des danses, et sans les rompre les pénètre d’un pas léger ; ses épaules sont couvertes d’une peau de lynx, son âme est réjouie par les accents mélodieux. Elles dansent ainsi dans une molle prairie où l’herbe touffue est embaumée du safran et de l’odorante hyacinthe. Dans leurs hymnes les nymphes célébrant et les dieux fortunés et le vaste Olympe, mais elles chantent surtout le bienveillant Mercure, rapide messager des dieux.
C’est lui qui vint dans l’Arcadie, source d’abondantes
fontaines et féconde en troupeaux : là s’élève le champ sacré de
Cyllène ; en ces lieux, lui, dieu puissant, garda les blanches brebis
d’un simple mortel, car il avait conçu le plus vif désir de s’unir à
une belle nymphe, fille de Dryops. Leur doux hymen enfin
s’accomplit : cette jeune nymphe donna le jour au fils de Mercure,
enfant étrange à voir, enfant aux pieds de chèvre, au front armé
de deux cornes, aux sons retentissants, au sourire aimable. À
cette vue la nourrice abandonne l’enfant et prend aussitôt la
fuite ; ce regard horrible et cette barbe épaisse l’épouvantèrent :
mais le bienveillant Mercure le recevant aussitôt le prend dans
ses mains, et son âme en ressentit une grande joie. Il arrive ainsi
au séjour des immortels en cachant soigneusement son fils dans
la peau velue d’un lièvre de montagne : se plaçant devant Jupiter
et les autres divinités il leur montre le jeune enfant. Tous les
immortels se réjouissent à cette vue, surtout Bacchus. Ils le
nommèrent Pan, car pour tous il fut un sujet de joie.
Salut, ô roi, je vous implore en ces vers ; je me souviendrai toujours de vous, et je vais dire un autre chant.
Traduction d’Ernest Falconnet (1817)
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Pour certains chercheurs, l’appellation "hymnes homériques" viendrait de ce que l’on a pu croire par le passé qu’ils étaient l’œuvre d’Homère. Pour d’autres, c’est la nature de la versification, comparable à celle d’Homère qui a justifié cette appelation.
Aujourd’hui, on considère que ces hymnes, d’inégales qualités et de longueur très diverses, mais semblables par leur fonction d’introduction [3] ont été écrits entre le VIIIe siècle avant J.-C. et le IVe siècle de notre ère.
Ce chant est quoi qu’il en soit une des plus anciennes évocations de la flûte de Pan en occident.
Chacun de ces hymnes était consacré à un dieu, et on en compte 22 ou 24 selon les chercheurs. La numérotation des chants diffère aussi d’un traducteur à l’autre...