Quand on est français, les flûtes de Pan que l’on entend appartiennent à 99% à l’une ou l’autre des familles suivantes :
d’une part, les flûtes sud-américaines,
et d’autre part les flûtes roumaines.
- Naïs contemporains
- Une basse et deux ténors
En Roumanie
Parmi les flûtes d’Europe centrale, le naï roumain a non seulement perduré, mais il n’a pas cessé de s’améliorer progressivement pour devenir au cours du XXe siècle un instrument particulièrement performant, tout à fait apte à jouer des parties virtuoses.La facture instrumentale a donc considérablement évolué, mais bien sûr la technique de jeu aussi. Et ce n’est pas fini !
Alors que les meilleurs facteurs de ces instruments ne se lassent pas de travailler à améliorer la qualité de leur production, les interprètes, eux, cherchent à adapter l’instrument à toutes sortes de contraintes stylistiques. Aujourd’hui, on peut entendre la flûte de Pan (roumaine) dans des musiques de film [1], mais aussi dans la musique classique, baroque, ancienne, traditionnelle, dans le jazz... Des compositeurs contemporains écrivent pour cet instrument... Bref, il n’y a guère de style interdit au naï [2] !
Notons donc déjà qu’avec la flûte roumaine, on joue tout sur la même flûte ou un même type de flûte (déclinée en basse, ténor, etc).
Un point particulièrement remarquable du naï roumain est sa courbure en forme d’aile d’oiseau. Mais nous verrons que d’autres flûtes de Pan copient aujourd’hui cette caractéristique...
- Flûte de Pan d’Argentine
En Amérique centrale et du sud
Une flûte de Pan sud-américaine sera un siku, un toyo, une antara, un rondador, etc. Or il n’y a rien de commun entre un rondador, une antara de pierre, ou un immense toyo, avec chacun sa technique, son répertoire, son aire de naissance, etc. Il n’y a que fort peu de points communs, hormis que ce sont des ensembles de tuyaux, entre toutes ces flûtes de Pan.A l’opposé des naïs roumains, les flûtes sud-américaines sont donc très spécialisées. On y utilise une flûte pour un style donné, et si on change de style, on change aussi de flûte ! Les musiciens sud-américains ont toujours plus d’une flûte dans leur sac !
Il n’est pas rare de voir des interprètes amérindiens qui ont complètement abandonné leur instrumentarium ethnique et ne jouent plus que le naï roumain ! D’ailleurs, notre association a vendu et vend régulièrement des flûtes de Pan roumaine à des musiciens amérindiens établis en France...
Évoquons maintenant des flûtes de Pan moins connues, et qui sont parfois tout simplement fabuleuses !
En Mélanésie
On joue de la flûte de Pan dans des formations multiples et pour des répertoires remarquablement savants ! On peut parler musicologiquement parlant de répertoire savant par exemple quand on connaît le compositeur d’une pièce, et c’est le cas par exemple chez les ’Are ’Are. Ils ne connaissent pas l’écriture de la musique mais les traditions musicales sont encore assez vivantes chez ce peuple et le répertoire se transmet de génération en génération, par voie orale. Aujourd’hui encore, on sait qui composa telle ou telle pièce, et pour quelle circonstance ! [3]- Firlinfeus
- Du contrebasse au soprano...
En Italie
Dans le piémont alpin, on trouve des grands ensembles de flûtes de Pan parfaitement italiennes ! Les "firlinfeu". Cette pratique est bien vivante même si la forme parait plutôt "folklorisée" [4].- Paï-tsiao
- Une forme traditionnelle, et symbolique, faisant référence au Phénix
En chine et en Orient
Difficile de s’y retrouver... Les flûtes de Pan chinoises, portent toutes le même nom : "paï-tsiao" [5] (ou paixiao) mais elles ont plusieurs formes très différentes ! Un vrai casse-tête !A noter qu’en Chine, comme en Grèce, la flûte de Pan est liée à un mythe originel. Ce qui en ferait en soi une sujet passionnant d’étude !
- Flûte de Pan africaine
Évolutions récentes
- Paï-tsiao
- Une forme traditionnelle
Récemment, on a vu le naï roumain remplacer certaines flûtes de Pan traditionnelles.
Ainsi en Chine, le paï-tsiao [6] d’aujourd’hui peut prendre la forme courbée du naï roumain.
- Le musicien chinois Lutao et son paï-tsiao "moderne"...
En Corée, il y a actuellement de grands ensemble de flûte de Pan, de plusieurs dizaines de musiciens... Mais ici aussi, ils semblent avoir abandonné leurs flûtes de Pan traditionnelles et adopté une facture inspirée des naïs roumains ! Et ça très récemment...
Par ailleurs, certaines factures contemporaines de flûtes de Pan sud-américaines montrent aussi une courbure en aile d’oiseau.
Dans ces factures influencées par le naï roumain, de nombreux points, comme la qualité de la facture, la façon dont les tuyaux sont collés entre eux, l’échelle musicale employée, etc, les distinguent finalement des naïs, la courbure en aile n’étant qu’un trait caractéristique parmi d’autres.
- Monoxyle contemporaine
Ces évolutions sont naturelles... Tout comme on sait qu’il y a des espèces végétales ou animales qui disparaissent chaque jour... on apprend aussi qu’il y a des flûtes qui s’éteignent... Ces flûtes, qui ont des histoires le plus souvent multi-millénaires, sont emportées par un vent de MacDonalisation...
Il est bien dommage que l’incroyable ouverture sur le monde aujourd’hui permise par la technologie soit aussi synonyme du broyage (c’est bien le mot qui semble le plus approprié...) de sociétés traditionnelles, qui disparaissent sans laisser d’autres traces que quelques pièces dans les musées [7]...
- Mini-naï
Alors une bonne nouvelle !
Il y a aussi des facteurs d’instruments qui inventent des choses ! Et des flûtes qui naissent !
Nota. Le logo de l’article est un(e) xipro, flûte de Pan monoxyle portugaise.
Dans les autres articles de cette rubrique, vous pouvez entendre quelques pièces musicales interprétées par des musiciens et musiciennes du monde entier. Prêtez-leurs vos oreilles ! Parce que c’est la meilleure façon pour nous de les aider dans la préservation de leurs traditions.